Souvenirs — Fin de la magie Marvel : la résurrection de Jean Grey

Raconté ce qui avait déclenché l'arrêt de l'achat de comic books marvel m'a rappelé une autre rupture, celle qui a fait que la magie des histoires qu'on me racontait, la « magie marvel », n'opérait plus.

Fantatsic Four 286, p11

Ça s'est passé dans les pages de Strange no 228 de décembre 1988. Y est publié Fantastic Four 286 (janvier 1986), série habituellement hébergée dans le mensuel Nova mais reproduit ici car l'épisode fait suite à celui des Avengers (263, janvier 1986) publié dans Strange le mois précédent.

On y voit Reed Richard étudié un sarcophage remonté du fond de l'océan par les vengeurs, sarcophage qui finit par s'ouvrir pour laisser apparaître… Jean Grey, vivante, alors qu'elle était morte dans le mythique uncanny x-men 137 de septembre 1980 (Spécial Strange 33, aout 1983) !

Blasphème !!!

La mort de Jean Grey est un événement central pour les lecteurs de comic books de ma génération. La génération précédente avait eu la mort de Gwen Stacy (The Amazing Spider-Man no 121, juin 1973 — Strange 104), qui avait eu la bonne idée de le rester — morte, à quelques clones près. Nous, nous avions celle de Jean Grey et ce qui reste sans doute le meilleur run mainstream tout époque confondue (x-men 110-138 par Claremont / Byrne / Austin).

Et voilà que patatra, cinq ans plus tard, Byrne fait revenir Jean Grey d'entre les morts avec une opération retcon d'envergure : après la bataille contre Steven Lang, Jean Grey doit se sacrifier pour ramener la navette spatiale sur Terre en sauvant la vie de ses camarades X-men. La navette s'écrase dans la baie de Jamaica et des eaux surgit Jean Grey transformée en Phoenix.

Ça c'est l'histoire officielle racontée dans les pages de X-men 100-101 (août-octobre 1976, publiés dans Spécial Strange nos 11-12 de mars et juin 1978). Mais avec la réécriture de Byrne, ce n'est plus Jean Grey qui remonte du fond de la baie mais une entité divine de pure énergie qui a remplacé Jean Grey alors qu'elle se sacrifiait pour sauver ses amis.

Et donc, tout ce qui s'est passé entre ce moment et sa mort, ce n'était pas Jean Grey mais le Phoenix se faisant passer pour Jean Grey (Tsss). Vu l'énormité du truc, Byrne y va à coup d'explication foireuse du genre mais oui, mais voyez-vous, la pureté de l'âme de Jean Grey elle a déteint sur la créature qui a vraiment cru être Jean Grey et tout le monde n'y a vu que du feu. Jusqu'à l'argumentaire massue d'une débilité confondante énoncé par un Cap América à la mâchoire bien carrée : There's no force in the universe that can suppress the splendor of human spirit.

Bordel !!!

(Ça ce voit là que j'en ai gros sur la patate, même trente ans après ?)

Et tout ça pourquoi ?

Pour le pognon pardi. Rien de plus.

Le retour de Jean Grey va permettre la reformation de l'équipe originale des X-Men (Cyclops, Strange Girl, Beast, Angel, Iceberg), qui aura droit à sa propre série : X-Factor. La série ne sera pas totalement mauvaise, surtout quand Les Simonson (Louise et Walt) la prendront en main, mais le mal est fait.

Dans les années qui suivent, nous aurons droit à une multiplication de retcons avec Classic X-Men ou de séries marketing en tout genre, le tout culminant dans les années 1990 avec les couvertures alternatives et autres hypes mercantiles qui finiront pas avoir la peau du medium, en tout cas de la Marvel (qui s'est refait la cerise depuis, principalement grâce au cinéma.).

La réssurection de Jean Grey a détruit toute la charge émotionnelle de sa mort cinq ans plus tôt et briser la suspension d'incrédulité. Ce désenchantement ne fût pas uniquement causé par le passage à l'âge adulte, ce qui est généralement le cas avec les histoires de super-héros marvel ; Après tout, j'aime toujours autant lire Born Again de Miller / Mazzucchelli ou Les X-Men de Claremont / Byrne / Austin plus de trente ans après leur parution. Non, il s'agit bien d'une certaine manière de raconter des histoires qui a finit par briser ce lien.

Lien qui ne s'est plus jamais vraiment retisser, en tout cas avec les bédés marvel.